Victor Segalen - Stele

PERDRE LE MIDI QUOTIDIEN

Perdre le Midi quotidien; traverser des cours, des arches, des
     ponts; tenter les chemins bifurqués; m'essouffler aux marches,
     aux rampes, aux escalades.

Éviter la stèle précise; contourner les murs usuels; trébucher
     ingénument parmi ces rochers factises; sauter ce ravin;
     m'attarder en ce jardin; revenir parfois en arrière.

Et par un lacis réversible égarer enfin le quadruple sens des
     Points du Ciel.

*

Tout cela, — amis, parents, familiers et femmes, - tout cela,
     pour tromper aussi vos chères poursuites; pour oublier quel
     coin de l'horizon carré vous recèle;

Quel sentier vous ramène, quelle amitié vous guide, quelles
     bontés menacent, quels transports vont éclater.

*

Mais, perçant la porte en forme de cercle parfait; débouchant
     ailleur: (au beau milieu du lac en forme de cercle parfait,
     cet abri fermé, circulaire, au beau milieu du lac, et de tout),

Tout confondre, de l'orient d'amour à l'occident héroïque, du
     midi face au Prince au nord trop amical, — pour atteindre
     l'autre, le cinquième, centre et Milieu
                                                                           Qui est moi.



SENZA INGANNO

Come al crocicchio il gesto che conforta la giusta via preserva
     dai falsi passi e dall'incaglio, questo annuivi chiaro, amichevolmente,
     l'Oriente puro.

Solleciti di lei, se i miei passi hanno così presto accompagnato
     i suoi passi; se afferrati da lei, i miei occhi hanno
     troppo spesso cercato lo scintillio o l'ombra dei suoi occhi,

Se la mia mano sfiorando la sua mano, se ogni cosa in me vicinissima
     a lei ha talora creato la forma del desiderio
     che implora,

Non è affatto — ahimè, veramente — per l'amore ingiurioso e
     vano di me verso lei, ma per rispetto, per grazia, per amore

Dell'amore che è in lei verso un altro, - lui.



SANS MÉPRISE

Comme le geste au carrefour accusant la bonne route, préserve
     des faux pas et des heurts, — que ceci, non équivoque, fixe
     amicalement l'Orient pur,

Empressés autour d'elle, si mes pas ont si vite accompagné
     ses pas, — Échangés avec elle, si mes yeux ont trop souvent
     cherché le scintillant ou l'ombre de ses yeux,

Si ma main touchant sa main, si tout en moi rapproché d'elle
     a parfois composé la forme du désir implorant,

Ce n'est point, — hélas, et vraiment, — pour l'amour injurieux
     et vain de moi vers elle, mais par respect, par grâce, par
     amour

De l'amour qui est en elle vers un autre, — lui.



PER COMPIACERLA

Per compiacerla ho speso la mia vita. Giunto al limite estremo
     delle mie forze, ancora cerco di immaginare qualcosa per
     compiacerla.

Lei ama lacerare la seta: le regalerò cento piedi di tessuto
     sonoro. Ma questo stridio non è più nuovo ormai.

Lei ama vedere scorrere il vino e gente in ebbrezza: ma il vino
     non è aspro abbastanza e i suoi effluvi non la inebriano più.

*

Per compiacerla io tenderò la mia anima lisa: straziata striderà
     fra le sue dita.

Come un beveraggio verserò il mio sangue in un otre.

Un sorriso, allora, si incurverà su di me.



POUR LUI COMPLAIRE

À lui complaire j'ai vécu ma vie. Touchant au bout extrême
     de mes forces, je cherche encore à imaginer quoi pour lui
     complaire:

Elle aime à déchirer la soie: je lui donnerai cent pieds de
     tissu sonore. Mais ce cri n'est plus assez neuf.

Elle aime à voir couler le vin et des gens qui s'enivrent: mais
     le vin n'est pas assez acre et ces vapeurs ne l'étourdissent plus.

*

Pour lui complaire je tendrai mon âme usée: déchirée, elle
     crissera sous ses doigts.

Et je répandrai mon sang comme une boisson dans une outre:

Un sourire, alors, sur moi se penchera.



CONSIGLI AL BUON VIAGGIATORE

Città in cima alla strada e strada che prolunga la città: non
     scegliere dunque l'una o l'altra, ma l'una e l'altra ben
     alternate.

Montagna che chiude il tuo sguardo lo limita e contiene, rotonda
     lo libera la pianura. Ama saltare rocce e sentieri, ma
     carezza le lastre di pietra dove il piede posa sicuro.

Riposati dal rumore nel silenzio e, dal silenzio, degnati di
     tornare al rumore. Solo se puoi, se tu sai essere solo, immergiti
     qualche volta nella folla.

Guardati dall'eleggere un rifugio. Non credere alla virtù d'una
     virtù durevole: rompila con qualche spezia forte che bruci e
     morda e dia un gusto anche alla noia.

Così, senza soste né passi falsi, senza cavezza e senza scuderia,
     senza meriti né pene, arriverai, amico mio, non alla
     palude delle gioie immortali,

Ma ai vortici colmi d'ebbrezza del gran fiume Diversità.



CONSEILS AU BON VOYAGEUR

Ville au bout de la route et route prolongeant la ville: ne
     choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien
     alternées.

Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la
     plaine ronde libère. Aime à sauter roches et marches; mais
     caresse les dalles où le pied pose bien à plat.

Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir
     au son. Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois
     jusqu'à la foule.

Garde bien d'élire un asile. Ne crois pas à la vertu d'une vertu
     durable: romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde
     et donne un goût même à la fadeur.

Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans
     mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais
     des joies immortelles,

Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve Diversité.



TEMPESTA SOLIDA

Portami sulle tue onde dure, mare impietrito, mare senza riflusso,
     tempesta solida che serri il volo delle nubi e delle
     mie speranze. E che in esatta grafia io possa fissare, Montagna,
     tutta l'altezza della tua beltà.

L'occhio, precedendo il piede nell'obliquo sentiero, a fatica ti
     doma. Rugosa è la tua pelle. La tua aria è vasta e discende
     dritta dal cielo freddo. Oltre la frangia visibile altre cime
     innalzano i tuoi valichi. Io so che tu raddoppi il cammino
     da superare. Tu accumuli gli sforzi come il pellegrino le
     pietre: in omaggio.

In omaggio alla tua altezza, Montagna. Affatica la mia strada:
     che sia aspra, che sia dura. Che si spinga molto in alto.

E lasciandoti per la pianura, quale bellezza ha di nuovo per
     me la pianura.



TEMPÊTE SOLIDE

Porte-moi sur tes vagues dures, mer figée, mer sans reflux;
     tempête solide enfermant le vol des nues et mes espoirs. Et
     que je fixe en de justes caractères, Montagne, toute la hauteur
     de ta beauté.

L'oeil, précédant le pied sur le sentier oblique te dompte avec
     peine. Ta peau est rugueuse. Ton air est vaste et descend
     droit du ciel froid. Derrière la frange visible d'autres sommets
     élèvent tes passes. Je saîs que tu doubles le chemin
     qu'il faut surmonter. Tu entasses les efforts comme les pèlerins
     les pierres: en hommage.

En hommage à ton altitude, Montagne. Fatigue ma route:
     qu'elle soit âpre, qu'elle soit dure; qu'elle aille très haut.

Et, te quittant pour la plaine, que la plaine a de nouveau
     pour moi de beauté!



NOME NASCOSTO

Il vero Nome non è quello che indora i portici, illustra gli atti,
     né quello che il popolo mastica di dispetto.

Il vero Nome non è letto nemmeno nel Palazzo, nei giardini
     o nelle grotte, ma resta nascosto dalle acque sotto la volta
     dell'acquedotto a cui m'abbevero.

Soltanto nella grandissima siccità, quando l'inverno crepita
     senza fluire, quando le sorgenti, basse all'estremo, hanno nel
     ghiaccio conchiglia,

Quando il vuoto è nel cuore del sotterraneo e nel sotterraneo
     del cuore — neanche il sangue vi scorre più — sotto la volta
     allora accessibile, si può cogliere il Nome.

Ma fondano le acque dure, trabocchi la vita, venga il torrente
     devastatore invece della Conoscenza!



NOM CACHÉ

Le véritable Nom n'est pas celui qui dore les portiques, illustre
     les actes; ni que le peuple mâche de dépit;

Le véritable Nom n'est point lu dans le Palais même, ni aux
     jardins ni aux grottes, mais demeure caché par les eaux sous
     la voûte de l'aqueduc où je m'abreuve.

Seulement dans la très grande sécheresse, quand l'hiver crépite
     sans flux, quand les sources, basses à l'extrême, s'encoquillent
     dans leurs glaces,

Quand le vide est au coeur du souterrain et dans le souterrain
     du coeur, — où le sang même ne roule plus, — sous la voûte
     alors accessible se peut recueillir le Nom.

Mais fondent les eaux dures, déborde la vie, vienne le torrent
     dévastateur plutôt que la Connaissance!


(le traduzioni sono di Lucia Sollazzo)

***********

Rimando volentieri anche al post su La dimora del tempo sospeso (v. QUI), sopratutto all'interessante commento di Margherita Ealla.
Rimando invece chi volesse cimentarsi nella lettura del testo integrale di Stèles in lingua originale a questo LINK